Justification. Une approche orthodoxe

Εισήγηση (στην γαλλική) του Σεβασμιωτάτου Μητροπολίτου Νέας Ιωνίας και Φιλαδελφείας κ. Γαβριήλ στο διεθνές επιστημονικό θεολογικό Συνεέδριο του Ανώτατου Ινστιτούτου Οικουμενικών Σπουδών του Τμήματος Θεολογίας και Θρησκευτικών Σπουδών του Καθολικού Ινστιτούτου του Παρισίου. Gabriel, métropolite de Nea Ionia et de Philadelphie
Paris, le 12 mars 2019

La question de la «justification» est au centre de l’anthropologie chrétienne. Elle est intimement liée aussi bien à la première création par le Fils et Verbe de Dieu de l’homme et du monde qu’à la seconde création de l’humain opérée lors de l’incarnation du Fils et Verbe de Dieu, conçu du Saint-Esprit et ayant pris chair de la Vierge Marie. Les deux créations ont pour lieu commun la création par le Fils et Verbe de Dieu – l’image invariable du Père – du «premier homme», Adam, créé «à l’image, selon la ressemblance» de Dieu, de plus, dans la perspective de développer l’être «à l’image» pour parvenir «à la ressemblance de Dieu», et entrer en pleine communion avec Dieu. Être «à l’image» est un don fait à l’homme, mais, en même temps, un but, un bien, une destination et une réelle potentialité.

Toutefois, la perte (apostasie) par Adam et Ève de la communion avec Dieu a eu pour conséquence inévitable, non seulement de leur faire perdre la perspective de la «ressemblance», mais aussi de corrompre en eux l’«image» de Dieu. Par conséquent, cette perte de communion avec Dieu qui – selon saint Maxime le Confesseur – est une «déviance» (παρατροπὴ κινήσεως) dans leur rapport à Dieu, signifie la mort non seulement spirituelle, mais aussi physique d’Adam et Ève ; c’est pourquoi, Dieu les châtie de retourner à la terre dont ils ont été formés (poussière tu es et à la poussière du retourneras) . Ainsi donc, par sa chute, l’humain a revêtu le péché et donc – selon saint Maxime le Confesseur – il a revêtu l’inexistence (ἀνυπαρξίαν) ; il est devenu «inconnu» (ἄγνωστος) et «inapparent» (ἀφανής) à Dieu, puisque, selon l’enseignement des Pères de l’Église, le péché est le «non-être» (μὴ ὄν), le néant.

Or, les conséquences tragiques de la chute des premiers humains sur la race humaine tout entière ont été atténuées par l’annonce par Dieu du salut de l’homme ; annonce préservée dans la mémoire du peuple juif jusqu’à l’accomplissement de celle-ci, c’est-à-dire l’envoi et l’incarnation du Fils et Verbe de Dieu conçu du Saint-Esprit et ayant pris chair de la Vierge Marie.

En effet, selon la tradition biblique et patristique unanime, «au moment de sa conception» (ἐξ ἄκρας συλλήψεως) , le Fils et Verbe de Dieu a assumé de façon créative la nature humaine émanant du sang pur de la vierge Marie, de même qu’il avait créé Adam à partir de la terre vierge dans la première création pour guérir dans sa propre nature, en tant que second ou nouvel Adam , les conséquences tragiques de la chute du premier Adam.

Par conséquent, par son incarnation, dans sa nature humaine, le Christ a rétabli dans la beauté originelle de la première création aussi bien l’être «à l’image» corrompu que l’être «à la ressemblance de Dieu». C’est pourquoi, selon saint Irénée de Lyon, la nature du Christ ayant assumé la nature humaine déchue, de façon créative, «la seconde création», était «meilleure que la première création» de l’ancien Adam.

Dans cet esprit, conformément à la tradition biblique et patristique unanime de la période des conciles œcuméniques, le Christ, en tant que nouveau et dernier Adam, a rétabli la nature humaine dans sa beauté originelle avec la coopération du Saint-Esprit. Cette synergie solidaire du Fils et du Saint-Esprit était nécessaire dans le mystère entier de la divine économie en Christ ; d’une part, pour laver la souillure du péché originel, puisque la nature humaine déchue assumée, prise du sang pur de la Vierge Marie n’était «sainte en soi» , de même que ne l’était («sainte en soi») la nature humaine déchue de la Vierge Marie, purifiée par le Saint-Esprit ; d’autre part, pour unir celle-ci à sa nature divine dans l’hypostase du Fils et Verbe de Dieu «au moment de la conception», conformément à la doctrine unanime des pères éminents de l’Église et aux définitions dogmatiques des sept conciles œcuméniques.

Il va de soi que, lors de son incarnation, le Christ qui «est l’image du Dieu invisible» a assumé, en tant que le nouvel Adam, tous les éléments indispensables de la nature humaine véritable, c’est-à-dire tout ce que l’ancien Adam avait perdu par sa chute, y compris la rupture de communion avec Dieu. Dans cet esprit – conformément à la tradition biblique et patristique unanime – l’union hypostatique de la nature humaine à la nature divine du Christ, avec la coopération du Saint-Esprit, constitue : d’une part, «les prémices», le principe de la justification en Christ du genre humain tout entier, puisque dans sa nature humaine, toute la race humaine a été récapitulée ; d’autre part, le principe de la réconciliation de l’homme avec Dieu moyennant la vie du Christ sur terre, son enseignement, son sacrifice sur la croix, sa résurrection et son ascension au ciel, toujours avec la coopération du Saint-Esprit, puisque c’est dans ce contexte théologique que s’inscrit la mission de l’Église dans l’histoire du salut.

En même temps, ce contexte théologique commun de la période des conciles œcuméniques concernant la justification en Christ de l’homme a été intimement lié à la mission sotériologique de l’Église, puisque, dans ce contexte théologique commun, l’Église est mise en évidence comme perpétuant le corps historique du Christ. Cependant, dans la perspective ecclésiale de la tradition patristique, le Christ opère toujours dans Son Église avec la coopération du Saint-Esprit, de même que l’Église opère toujours en Christ avec la coopération du Saint-Esprit. Or, la rupture d’unité de l’Église a aussi été exprimée moyennant différentes approches théologiques ou interprétations dichotomiques, émanant de la tradition tant biblique que patristique, qui ont aussi influencé l’explication théologique de la justification, notamment avec des divergences marquées portant non seulement sur les conséquences de la chute, mais aussi sur la perspective sotériologique des premiers êtres créés (Adam et Ève).

Dans ce sens, la tradition théologique catholique romaine dissocie l’être «à l’image» et «à la ressemblance» de l’identité ontologique d’Adam pour les présenter en tant que don extraordinaire de Dieu fait à l’homme ; c’est pourquoi, les premiers humains, non seulement n’ont rien perdu de leur identité ontologique, mais, au contraire, ils ont gardé leur capacité de lutter pour leur justification, du fait d’avoir accueilli le message salvateur du Christ et de participer à la vie sacramentelle de l’Église.

Dans ce contexte, la tradition théologique protestante met particulière l’accent sur la destruction totale de l’être «à l’image et à la ressemblance» suite à la chute des premiers humains ; c’est pourquoi, seule l’incarnation du Fils et Verbe de Dieu avec toute son œuvre sur terre et son enseignement a permis la réconciliation de l’homme avec Dieu et sa justification devant lui uniquement par la foi (sola fidei) et par la grâce divine (sola gratia) découlant de l’œuvre du Christ.

Or, la tradition théologique orthodoxe est restée fidèle à la tradition patristique établie et à la vie sacramentelle de l’Église de la période des conciles œcuméniques ; car, d’une part, elle ne saurait rejeter sans préjudice la théologie patristique investie de l’autorité des conciles œcuméniques, non plus que la vie sacramentelle du corps ecclésial ; car, d’autre part, cette même autorité ne laissait pas de marge à des approches différentes ou à des propositions théologiques contraires.

Cela ressort aussi des décisions conciliaires concernant les querelles théologiques en Orient après le schisme du XIe siècle, portant sur des questions de christologie, de sotériologie et de vie liturgique. Ces décisions proclament que la tradition patristique est investie d’une autorité absolue pour envisager de nouvelles propositions théologiques au sein même de la théologie orthodoxe ; pour engager aussi le débat dialectique avec les nouvelles dichotomies, proposées par la théologie scolastique catholique romaine ou la théologie protestante : par exemple, entre la foi et les actes, la parole de Dieu et les saints sacrements, la sainte Écriture et la Tradition sacrée, la grâce divine et les saints sacrements etc.

Exacerbées par les confrontations confessionnelles, opposant la théologie polémique de l’Église catholique romaine aux Confessions protestantes, les dissensions théologiques dichotomiques ont causé de graves confusions dangereuses concernant tant la compréhension que l’exégèse de l’enseignement biblique sur la justification de l’homme.

En effet, les protestants ont démesurément mis l’accent sur la parole de Dieu en vue de relativiser la valeur des saints sacrements de l’Église catholique romaine ; cela a eu pour effet que les catholiques romains mettent exagérément en avant les saints sacrements en vue de relativiser la valeur de la parole de Dieu prônée par les Confessions protestantes. Cependant, de toute évidence, l’interpénétration (périchorèse) entre le Verbe de Dieu et la raison de célébration des saints sacrements, notamment la divine Eucharistie, a des incidences négatives sur la doctrine de la justification affirmée par les deux traditions théologiques divergentes d’Occident.

Les convergences de ces deux traditions théologiques – obtenues dans le contexte des dialogues bilatéraux et multilatéraux du mouvement œcuménique contemporain pour l’unité des chrétiens – ont rendu encore plus claires les graves confusions théologiques issues de leurs contradictions confessionnelles, mais aussi les nouvelles perspectives pour surmonter celles-ci suivant un processus convergent. L’éminent théologien protestant Karl Barth signale les conséquences tragiques de ces positions dichotomiques et confessionnelles opposées :
«Voyons comment les choses se passent dans l’Église évangélique. On voit d’emblée apparaître un déficit. Dans les milieux de la Réforme, l’Église sacramentelle de Rome a été remplacée par une Église de la Parole. Très tôt, la prédication est devenue le centre de gravité, la célébration du sacrement ayant un caractère plus restreint. Et aujourd’hui que voyons-nous ? D’un côté, l’Église romaine, l’Église du sacrement, dans laquelle la prédication est pour ainsi dire sans portée ; de l’autre, l’Église évangélique dans laquelle il y a bien aussi un sacrement, mais qui ne fait pas partie obligée du culte. Les deux positions sont une espèce de destruction de l’Église. Que peut bien signifier une prédication qui s’étale au détriment du sacrement, une prédication qui ne renvoie pas au sacrement qu’elle doit interpréter ?»

Dans ce même esprit, l’éminent théologien orthodoxe Alexandre Schmemann évalue aussi bien la distinction scolastique que la distinction dichotomique protestante entre la sainte Écriture et les saints sacrements. Il invoque la tradition liturgique byzantine pour signaler les impasses théologiques auxquelles aboutissent les distinctions dichotomiques des deux traditions confessionnelles :
«Le chrétien occidental a l’habitude de penser sacrement comme opposé à parole, et de lier la mission à la parole et non point au sacrement. Bien plus, il considère traditionnellement le sacrement comme une part, peut-être essentielle, étroitement limitée, comme un acte ou une institution de l’Église et dans l’Église, mais il ne voit pas l’Église comme étant elle-même le sacrement de la présence active du Christ […] Les chrétiens occidentaux sont tellement habitués à distinguer la parole du sacrement qu’il peut leur être difficile de comprendre que, dans la perspective orthodoxe, la liturgie de la parole est aussi sacramentelle que le sacrement est «évangélique». C’est une manifestation de la parole. Et cependant, à moins de surmonter la fausse dichotomie entre parole et sacrement, la signification véritable et de la parole et du sacrement, et très spécialement le vrai sens du sacramentalisme chrétien, ne peuvent être saisis dans toutes leurs merveilleuses implications. La proclamation de la Parole est un acte sacramental par excellence parce que c’est un acte qui transforme les paroles humaines de l’Évangile en la parole de Dieu et la manifestation du Royaume. Elle transforme l’homme qui écoute en un tabernacle de la parole et un temple de l’Esprit…».

Manifestement, c’est dans cet esprit que la théologie orthodoxe évalue aussi l’approche dichotomique dans la tradition théologique tant scolastique que protestante, c’est-à-dire, mettre en avant : d’une part, les bonnes œuvres vis-à-vis de la foi et vice-versa ; d’autre part, la grâce divine vis-à-vis de l’expérience sacramentelle, et vice-versa. Cependant, dans la tradition tant biblique que patristique, les bonnes œuvres sont le fruit mûr de la foi agissante, de même que l’expérience sacramentelle est vécue en tant que rayonnement de riches charismes dispensés par la grâce divine sanctificatrice émanant de l’œuvre rédemptrice du Christ ; celle-ci est dispensée aux croyants moyennant l’opération mystique du Saint-Esprit. Par conséquent, toutes les dichotomies théologiques sont surmontées dans la vie du corps ecclésial moyennant la participation des croyants au mystère de la divine économie en Christ, tel que celui-ci se matérialise dans la vie sacramentelle de l’Église avec la coopération du Saint-Esprit pour que ceux qui y participent deviennent participants à la grâce divine et entrent «en communion avec la nature divine».

Or, la coopération indéfectible et solidaire du Christ et du Saint-Esprit dans le mystère de la divine économie en Christ destinée au salut du genre humain confirme, d’une part, l’unité profonde liant la parole de foi et l’expérience sacramentelle des croyants à l’opération sacramentelle du Saint-Esprit ; liant, d’autre part, la grâce divine sanctificatrice à la vie sacramentelle du corps ecclésial. En conséquence, saint Irénée de Lyon déclare que «pour nous, notre façon de penser (= la foi) s’accorde avec l’Eucharistie, et l’Eucharistie en retour confirme notre façon de penser» , mais aussi que «là où est l’Église, là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce».

Cet esprit régit toute la tradition patristique et la vie liturgique de l’Église, telles qu’elles se manifestent dans la liturgie de la Parole et la liturgie du sacrement de la divine Eucharistie, dans la tradition byzantine. C’est sur cette perspective que met l’accent l’éminent théologien russe Paul Evdokimov, déclarant succinctement : «Liturgiquement, toute séparation de la Bible avec les sacrements est impensable : La parole s’accomplit dans l’eucharistie ; elle convoque l’assemblée, annonce sa propre plénitude et l’offre en nourriture. […] Liturgiquement, on n’écoute pas seulement la Parole mais on se transmue en parole et dans cette plénitude eschatologique on «se souvient de ce qui vient». […] Comme les fruits mûrs et pleins de grâce l’Église cueille les sacrements sur l’arbre sacré de la Bible et offre de boire et de manger la Parole, et de vivre la réalité la plus bouleversante : l’avènement du Christ. Le mystère de la Parole caché de l’éternité en Dieu nous enveloppe déjà».

Or, de toute évidence, les approches théologiques confessionnelles destinées à interpréter la parole, le mode et le but de l’enseignement de la sainte Écriture concernant la justification sont intimement liées aussi bien au mystère de la divine économie en Christ pour le salut du genre humain qu’à la mission sotériologique de l’Église.

Dans ce sens, les approches confessionnelles expriment les courants théologiques spécifiques à chaque tradition ecclésiastique précise ; bien que, à l’époque de l’antagonisme confessionnel du passé historique, elles aient été exacerbées par les âpres controverses confessionnelles de la théologie polémique, elles demeurent des propositions théologiques importantes pour surmonter les désaccords existants par un processus convergent et constructif.

Cette constatation a aussi été confirmée par les décisions du Concile Vatican II (1962-1965) dans la constitution dogmatique de l’Église Lumen gentium et dans le décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio. Dans ces deux documents, l’Église catholique romaine redéfinit les critères théologiques régissant ses relations avec l’Église orthodoxe, avec les Confessions protestantes aussi. Une simple comparaison de l’esprit des Conciles Vatican I et II (respectivement 1869-1870 et 1692-1965) mène à la conclusion que, alors que le premier a rejeté toute proposition de dialogue théologique, le second a sacralisé la perspective du dialogue théologique, et cela moyennant des propositions théologiques concrètes en vue de l’unité des chrétiens.

Par conséquent, l’éminent théologien protestant Oscar Cullmann déclare expressément que, d’une part, jamais auparavant les relations de l’Église catholique romaine et des Confessions protestantes n’ont été aussi positives et que, d’autre part, les âpres controverses théologiques du passé portant sur la question litigieuse de la doctrine catholique romaine de justification auraient été évitées si au Concile de Trente (1545-1563) on avait fait preuve de l’esprit conciliant et constructif du Concile Vatican II. Ces critiques positives valent d’autant plus pour les relations de l’Église catholique romaine avec l’Église orthodoxe, notamment dans la question de la doctrine de justification, concernant laquelle l’Église orthodoxe suit des critères théologiques fondamentaux, établis par la tradition patristique, c’est-à-dire :

  1. Lier absolument la doctrine de justification au mystère de la divine économie en Christ pour le salut du genre humaine, soit aussi bien à l’incarnation du Fils et Verbe de Dieu conçu du Saint-Esprit et ayant pris chair de la Vierge Marie au jour de l’Annonciation de la Mère de Dieu qu’à la vie sur terre tout entière du Christ.
  2. Le fait pour le Fils et Verbe de Dieu d’avoir assumé, de façon créative, la nature humaine prise du sang pur de la Vierge Marie a récapitulé, dans l’humanité du Christ, le genre humain tout entier – c’est-à-dire «les fidèles du monde entier, ceux qui le sont devenus, ceux qui le deviendront» , selon saint Jean Chrysostome – pour que l’humanité du Christ, par elle et en elle, devienne le «principe» de la justification du genre humain tout entier.
  3. Assumée de façon créative du sang pur de la Vierge Marie, la nature humaine du Christ n’était pas «sainte en soi», selon Cyrille d’Alexandrie ; c’est pourquoi, elle a été sanctifiée avec la coopération du Saint-Esprit, pour permettre à la nature humaine de s’unir à la nature divine dans l’hypostase du Verbe de Dieu qui allait être les «prémices», le principe permettant aux croyants de participer à la grâce divine et entrer en communion avec la nature divine.
  4. La perspective sotériologique de l’incarnation et de l’œuvre du Christ sur terre se manifeste toujours, avec la coopération du Saint-Esprit, dans le fait d’assimiler le corps assumé de façon créative du sang pur de la Vierge Marie, aussi bien à la création de l’Église, «qui est son corps» , que d’avoir instauré le sacrement de la divine Eucharistie, de sorte que le corps historique du Christ se perpétue visiblement dans l’histoire du salut pour que les baptisés y soient greffés et deviennent «membres du même corps» et «consanguins» du Christ .
  5. Le vrai sens de la justification – telle qu’exposée dans la tradition apostolique, patristique et liturgique de l’Église durant la période des Conciles œcuméniques – est assimilé à la greffe des croyants au corps historique du Christ «qui est l’Église» ; cette greffe s’obtient par le fait qu’ils acceptent la prédication évangélique et qu’ils participent à divine Eucharistie et à la vie sacramentelle tout entière du corps ecclésial : «Car la fin de la loi, c’est Christ, pour que soit donnée justice à tout homme qui croit» .
  6. Toutes les interprétations confessionnelles de la tradition apostolique concernant la justification sont clairement christocentriques, que ce soit dans l’approche typologique des traditions théologiques de la chrétienté d’Occident ou dans l’approche ontologique de la tradition théologique de l’Église orthodoxe. D’ailleurs la tradition apostolique leur est commune : «Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude et tout réconcilier par lui et pour lui […] voilà que maintenant Dieu vous a réconciliés grâce au corps périssable de son Fils, par sa mort, pour vous faire paraître devant lui saints, irréprochables, inattaquables […]. Je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et ce qui manque aux détresses du Christ, je l’achève dans ma chair en faveur de son corps qui est l’Église […]» .
  7. L’interprétation christocentrique de la justification présuppose nécessairement, selon Paul l’apôtre des nations, la prédication évangélique, car «c’est la parole de la foi que nous proclamons. Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé […] En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Or, comment l’invoqueraient-ils, sans avoir cru en lui ? Et comment croiraient-ils en lui, sans l’avoir entendu ? Et comment l’entendraient-ils, si personne ne le proclame ? Et comment le proclamer, sans être envoyé ?» .
  8. La prédication évangélique est absolument indispensable, puisqu’elle professe la foi en la personne et à l’œuvre du Christ incarné et ressuscité ; ce qui est son message salvateur par excellence pour le salut du genre humain. Par conséquent, l’apôtre des nations proclame : «Qu’on nous considère donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. Or, ce qu’on demande en fin de compte à des intendants, c’est de se montrer fidèles» . Dans cet esprit, il confesse : «Dans la mesure où je suis, moi, apôtre des païens, je manifeste la gloire de mon ministère, dans l’espoir d’exciter la jalousie de ceux de mon sang et d’en sauver quelques-uns. Si, en effet, leur mise à l’écart a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon le passage de la mort à la vie ? Or si les prémices sont saintes, toute la pâte l’est aussi ; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. Mais si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine, mais c’est la racine qui te porte» .